Montmajour mise(s) à jour

Depuis toujours, l’abbaye de Montmajour entretient un lien privilégié avec la photographie. Ce dialogue s’est intensifié au début des années 1990, lorsque la Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites en reprend la gestion. À cette époque, plusieurs commandes photographiques sont passées à des artistes dont les travaux seront ensuite présentés dans le cadre des Rencontres de la photographie d’Arles.

L’exposition « Montmajour, mise(s) à jour » invite aujourd’hui à redécouvrir le regard de plusieurs de ces photographes — Père Formiguera, Humberto Rivas et Hugues de Wurstemberger — en dialogue avec une création contemporaine signée Anna Katerina Scheidegger.

Réalisée au début de l’hiver 2025, sa série renouvelle la perception du monument à travers une approche géométrique et détaillée, révélant de nouvelles facettes de l’abbaye et prolongeant son mystère, « qui ne finira jamais ».

Cette exposition est conçue en collaboration avec Louis Mesplé, directeur des Rencontres de la photographie d’Arles au début des années 1990.

Humberto Rivas (1937-2009)

Photographe argentin, Humberto Rivas débute très jeune dans un atelier textile avant de se consacrer au dessin et à la peinture. À vingt-deux ans, il intègre l’École des Beaux-Arts de Buenos-Aires et choisit la photographie comme moyen d’expression principal, sous l’influence du grand maître Anatole Saderman.

En 1976, il fuit la dictature argentine et s’installe à Barcelone, où il rejoint les courants novateurs de l’image en Espagne — notamment autour de la revue Nueva Lente — tout en poursuivant sa quête d’une objectivité photographique inspirée par Richard Avedon, August Sander ou Alfred Stieglitz.

Ses portraits, d’une intensité rare, sont de véritables paysages humains ; ses paysages, eux, se lisent comme des portraits. Dans le cadre de la commande photographique de 1993, il rend à l’abbaye de Montmajour sa vérité de pierre et de lumière.

Lauréat du Prix national de photographie d’Espagne (1997), Humberto Rivas a vu son œuvre intégrée dans les plus grandes collections muséales et privées internationales.

Père Formiguera (1952 – 2013)

Photographe et écrivain catalan, Pere Formiguera est une figure majeure de la photographie espagnole contemporaine. Il s’est notamment distingué par ses séries consacrées à des modèles familiaux dont il a réalisé, année après année pendant une décennie, les portraits individuels.

En appliquant ce protocole à d’autres groupes — enfants, inconnus, communautés diverses — il a développé une œuvre profondément humaniste, méditation sur le passage du temps, la persistance des êtres et l’immobilité comme résistance au devenir.

En 1993, dans le cadre d’une commande de la Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites, associée aux Rencontres de la photographie d’Arles, Formiguera a photographié l’abbaye de Montmajour. Ses images, à la mesure du lieu, affirment la permanence face à l’érosion du temps : « Nous sommes bien là, et nous resterons ».

Reconnu parmi les dix plus grands photographes espagnols, Père Formiguera a exposé dans de nombreux musées européens ainsi qu’au MoMA (New York). Son œuvre est principalement conservée au  Musée national d’art de Catalogne (Barcelone) .

Hugues de Wurstemberger (1955)

Photographe suisse, Hugues de Wurstemberger vit et enseigne la photographie en Belgique. Sa série sur la Garde suisse, présentée en 1985 au musée de l’Élysée à Lausanne, marque son entrée sur la scène photographique internationale. Toujours en retrait du spectaculaire, il privilégie les humanités discrètes et les territoires oubliés, collaborant régulièrement avec des ONG et des associations humanitaires. Son regard documentaire, empreint de respect et d’humour, transforme le réel en poésie.

Dans la commande de 1991, sa série "Humour de pierre" associe avec finesse l’abbaye de Montmajour et le château d’If, dans un jeu d’échos entre architecture, histoire et dérision.

Lauréat du Prix Niépce (1990), du World Press Photo et du Prix Silver, Hugues de Wurstemberger est représenté par l’ agence VU’ .

Anna Katharina Scheidegger (1976)

Artiste et photographe suisse, Anna Katharina Scheidegger est diplômée de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs à Paris et du Studio national des arts contemporains du Fresnoy à Tourcoing. Après plusieurs résidences d’artistes, elle rejoint la Casa de Velázquez à Madrid comme membre artiste.

Son œuvre, à la croisée de la photographie, de la vidéo et de l’installation cinétique, explore les rapports entre mémoire intime et forces naturelles, entre équilibre fragile et puissance minérale. Des œuvres telles que "Quelques gouttes d’éternité" (Le Fresnoy, 2020) témoignent de sa sensibilité au temps et à la transformation des matières.

Fascinée depuis toujours par le monde minéral, elle trouve dans les strates architecturées de Montmajour un écho naturel à sa série "High Altitude" (Rencontres d’Arles, 2007). En 2025, elle est lauréate de la résidence Picto Lab / Expérimenter l’image pour son projet Fragile Warning Lights, inspiré du plancton marin bioluminescent.