Histoire

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Le passé gravé dans les murs

Graffiti marin situé dans une galerie du cloître

Découverts en 1993, les graffiti marins, ces traces éphémères, font partie de l'histoire de l'abbaye.

Une histoire de graffiti

Le graffiti : un acte vital et ancestral

Longtemps, le graffiti a une connotation péjorative.  Pour les uns, il désigne un gribouillis, pour d’autres, il est l’œuvre de vandales, d’opposants. Ainsi, leur préservation est très tardive.  Son étude est d’une grande importance pour l’histoire et l’archéologie.

Le graffiti témoigne de l’occupation d’un lieu par l'homme, de ses activités, de ses croyances et de son mode de vie.  Le graffiti est un phénomène que l’on retrouve à travers toutes les époques. Il est aujourd’hui considéré comme source documentaire à part entière au même titre que l’écrit.

Graffiti marin situé dans une galerie du cloître
Graffiti marin

© Geoffroy Mathieu / CMN

Mise en lumière des graffiti marins de l’abbaye

L’existence de graffiti marins n’est pas rare dans les monuments situés à proximité des sites maritimes ou fluviaux. Souvent, comme cela est le cas à Montmajour, ces témoignages gravés restent oubliés pendant des siècles. L’attention des archéologues, historiens, architectes s’était focalisée sur la compréhension de son histoire, de son architecture, de ses ornements sculptés.

Ce n’est qu’en 1993 que l’archéologue Albert Illouze découvre à l’abbaye une importante série de graffiti médiévaux du XIIe siècle, à caractère nautique pour la plupart. La majeure partie de ces graffiti se concentre sur le mur ouest du cloître.

La série des graffiti du mur ouest du cloître est de toute première importance tant par son nombre (on compte 25 navires) que par sa qualité d’exécution. Cela démontre que l’auteur a une grande connaissance du milieu marin. La finesse des traits et l’usure du temps les rendent difficilement lisibles. La majorité des représentations se situe à hauteur d’homme. Ils ont sûrement été réalisés par un seul artiste : en effet, les coques sont superposables entre elles et ont des dimensions similaires. Ces graffiti marins des XIIe-XIIIe siècles sont d’une rareté exceptionnelle.

Relevé des graffitis du cloître
Relevé des graffitis du cloître

© CMN

Petit point historique

À partir du XIIe siècle, la Méditerranée redevient le cœur du monde, une mer traversée par de nombreuses routes commerciales. 

À cette époque, Montmajour est un centre de la spiritualité chrétienne très important. Elle domine une plaine de marécages et se situe à 4 km du port fluvial et maritime d’Arles. Il faut noter que l’abbaye est placée sous la protection de la Vierge, de Saint Antoine, de Saint Pierre, tous gardiens des marins

Le prestige lié à sa position et la présence de reliques fait de ce lieu un important centre de pèlerinage visité. À l’époque médiévale, le navire a une valeur symbolique très importante dans la pensée chrétienne. Il représente le monde terrestre confronté au mal. Il était alors normal d’invoquer certains saints et de les remercier pour la protection des équipages.

La datation de la construction du mur ouest du cloître ainsi que certains éléments techniques représentés ont permis aux chercheurs de dater les graffiti navals de la fin du XIIe – début XIIIe siècle. Les graffiti retrouvés à Montmajour constituent également un excellent document historique pour la connaissance de l’architecture navale du XIIe siècle.

Vue générale du territoire nord d'Arles et de l'abbaye.
Vue générale du territoire nord d'Arles et de l'abbaye

© Médiathèque d'Arles

Une ou plusieurs significations

Les fonctions des graffiti du cloître de Montmajour restent quelque peu énigmatiques. Ainsi, plusieurs hypothèses s’offrent aux chercheurs : ex-voto ? Témoignage d’un événement particulier ? Exutoire ?

La première est une fonction de témoignage historique. Les graffiti retraceraient ainsi un événement particulier qui aurait eu lieu non loin de l’abbaye : un pèlerinage, l’arrivée d’un grand personnage dans la région arlésienne qui était toujours accompagnée de festivités plus ou moins importantes selon le prestige du visiteur.

La deuxième fonction est celle d’un ex-voto. Les ex-voto sont des objets offerts par les fidèles en action de grâce aux saints. Ainsi, les graffiti marins peuvent être considérés comme l’ex-voto du pauvre. Ici, en quelques traits figuratifs, l’auteur remercie la vierge ou Saint Pierre pour avoir probablement échappé à un naufrage. En revanche, si le graffiti a été réalisé avant le départ, c’est une demande de protection.

La troisième fonction est exutoire. Son auteur cherche à s’évader d’un lieu d’isolement et à oublier la précarité de sa vie terrestre.

Graffiti marin gravé sur le mur d'une galerie du cloître
Graffiti marin

© Geoffroy Mathieu / CMN

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